Les dernières semaines m’ont beaucoup bouleversé. Comme plusieurs, j’ai suivi de près la montée du mouvement #BlackLivesMatter suite à la mort de George Floyd avec la volonté de faire partie du changement.
Malgré mon antiracisme, mon ouverture d’esprit, mon éducation, ma conscience sociale et mes origines, j’ai estimé que je devais prendre du recul et assumer que je faisais partie du problème. Je suis blanche et sans poser directement de gestes racistes, je participe à un système bâti pour favoriser les blancs.
J’ai donc commencé à chercher et à lire plus particulièrement des articles dans l’industrie du wellness, laquelle se veut promouvoir le fait de se sentir bien et en bonne santé. Je voulais notamment mieux comprendre les éléments à considérer afin de déconstruire mes automatismes et mes propres biais. Cette publication se veut donc un partage de certains de mes apprentissages sans constituer une revue exhaustive des enjeux. Je ne suis pas une experte. Vous êtes d’ailleurs invités à prendre part à la discussion, à m’envoyer des articles, liens ou autres au bénéfice de tous.
Un des piliers du wellness est le self-care qui véhicule le message qu’avec un peu de volonté, il est possible de tout accomplir et de (re)prendre en main notre santé. Qu'avec de simples petits gestes au quotidien, on peut améliorer notre santé physique et psychologique. On réalise cependant rapidement que le choix de poser ces gestes n’est pas offert et disponible à tous de façon égalitaire et que la communauté noire est laissée-pour-compte dans cette industrie du wellness qui représentait un marché de 4,5 billions de dollars en 2018. Is wellness a privilege? Évidemment, oui.
Le choix pour un individu d’améliorer sa santé rencontre en fait de nombreux obstacles, comme ceux découlant de facteurs économiques et sociaux. Les recherches ont notamment démontré à répétition que la santé d’un individu s’améliore proportionnellement avec son niveau de scolarité et son salaire. Quand on a une meilleure éducation, on peut obtenir un meilleur emploi et donc un meilleur salaire. Quand on gagne un meilleur salaire, on a un plus grand pouvoir d'achat pour améliorer notre bien-être.
D’autres recherches exposent que l’accès à des aliments/produits frais et nutritifs est considérablement réduit dans les milieux moins favorisés, souvent majoritairement composés de personnes de couleur en raison d’un racisme systémique qui persiste depuis des années. Même constat pour l’accès à de simples trottoirs ou à des terrains de jeux, favorisant ainsi un taux plus élevé d’obésité chez les personnes de la communauté noire.
Par ailleurs, d’autres chercheurs auraient découvert un lien entre le racisme et l’hypertension des personnes de la communauté noire (42 % des personnes de couleur vs 28.8 % des blancs). La discrimination et la ségrégation auraient donc des impacts directs sur la santé, tout comme des impacts indirects découlant du racisme systémique, soit l’inégalité dans l’accès à des soins de santé, à des aliments frais, une meilleure éducation et à un salaire élevé.
Avec ces données, on ne peut pas dire que la santé des gens de la communauté noire est placée à l’avant dans le système actuel et que le wellness est accessible à tous, surtout quand on sait le prix à payer pour pratiquer le self-care : abonnement au gym, cours de yoga, de Pilates, aliments bio, suppléments alimentaires, masque vivifiant, etc. L’industrie l’a compris et s’adresse à un marché composé presque exclusivement de personnes blanches. On n’a qu’à écrire « wellness » dans Google ou Instagram pour voir que les personnes de couleur sont sous-représentées, pour ne pas dire presque totalement absentes.
Comment transformer le wellness? Voici quelques premières étapes et recommandations suite à mes recherches.
1/ Comprendre la notion de privilège
Reconnaître les inégalités et les privilèges. Ceux qui disent ne pas voir de couleur, mais plutôt ne voir que des êtres humains, participent à l’aveuglement collectif sur l’histoire, les abus et les souffrances du racisme.
White Privilege: Unpacking the Invisible Knapsack par Peggy McIntosh
2/ Donner la parole aux gens de la communauté noire
On en a assez des entreprises qui engagent des mannequins noires juste pour laisser croire à l’inclusion. Bien que la représentation soit importante, il est encore plus important de leur donner le micro et d’entendre leurs voix.
3/ Ne rien prendre pour acquis
Être à l’écoute et (se) questionner sur ses propres biais. Ne pas penser que nous faisons bien les choses ou que ne faisons pas partie du problème. Cela passe certainement d’abord par l’éducation et l’écoute.
Juneteenth Is a Reminder That Freedom Wasn't Just Handed Over par Brianna Holt
How to Make this Moment the Turning Point for Real Change par Barack Obama
How to Be an Antiracist par Brené Brown et Ibram X. Kendi
Vers une pratique féministe du yoga de Caroline Jacquet
Unblocking White Supremacy and Fragility in the Wellness Industry par Maryam Ajayi
4/ Que nos bottines suivent nos babines
Faire des gestes concrets, pas seulement dire qu’on fera des gestes concrets. Consommer de façon plus consciente en s’interrogeant sur les valeurs des brands que nous encourageons et en ayant une hypersensibilité. Faire preuve d’esprit critique. Dénoncer. Supporter.
Je ne dis pas que les problèmes vont disparaître par ces simples petits gestes, mais c’est un départ pour prendre action. On s’entend, tout ceci n’est que la pointe de l’iceberg.
Qu'avez-vous à proposer aux gens de l'industrie du wellness?
Laïla
*J’aimerais partager au lecteur/lectrice que ceci n’était pas mon article initial. Mon premier article traitait également du fait que j’avais peur d’écrire sur le sujet du racisme et de faire l’objet de critiques. J’ai vite réalisé que mon inconfort était naturel et surtout, qu’il n’était rien comparativement aux souffrances que les gens de la communauté noire ont pu vivre pendant des générations et à la peur pour leur vie encore à ce jour. Notre peur de se faire critiquer ou juger est un obstacle au changement. Laissons notre ego de côté.