Exubérants. Riches. Vibrants. Évocateurs. YASSS Queen! Je te parle de ces somptueux imprimés africains qui ont clairement la côte en 2019. Ces tissus rutilants de couleur arc-en-ciel véhiculent une culture foisonnante d’une profondeur insoupçonnée! Mais qu’est-ce qu’on en sait de la richesse des symboles qu’ils arborent? Qu’est-ce qu’on en sait réellement des intrications de la tradition qui leur ont donné vie? Insérer ici: son de criquet dans un champ.
Mais FOR REAL… Malgré toutes les bonnes intentions qui nous habitent, est-ce légitime pour nous, occidentaux, de porter le pagne africain sans égard ni autre considération? Sommes-nous devant une situation d’appréciation culturelle ou d’appropriation culturelle? Qui peut « oser »? Quand les porter? Où tracer la limite?
J’aurais tant aimé avoir une réponse brillante et limpide, mais je suis sûre que tu t’en doutes… Oh honey! It’s not going down that way. Sorry. À moins que tu ne te sois profondément endormi sous une roche cet été ou encore englouti dans un igloo de neige cet hiver, la forerever going saga SLAV t’a surement amené, tout comme moi d’ailleurs, à comprendre qu’on nage ici dans un océan riche en nuances et dont les vagues sont aussi nombreuses que pernicieuses.
Alors, bear with me, je ne suis ni anthropologue ni sociologue, donc je n’ai nullement la prétention de saisir un sujet si vaste et si complexe. Je suis juste une fille (afrodescendante), elle aussi un peu mêlée par bout et qui cherche à se préserver des faux pas pour éviter de se faire crucifier sur la place publique – je blague, voyons!
Cela étant dit, je me permets de te donner gratis mon two cents sur les DO’s and DON’Ts en matière d’imprimés africains.
Appropriation culturelle – la culture, bien réalistement « appropriable » ?
Pour ma part, j’aime bien penser que la culture c’est une sorte de capharnaüm débridé d’influences diverses. Un objet à la fois précieux et bigarré. Et si c’était de l’or, ce serait de l’or rose: un amoncellement d’entités distinctes, de l’or au cuivre en passant par l’argent, la culture c’est le plus habile des alliages de métaux.
« Une culture n'est pas un isolat étanche et mobile, mais un ensemble ouvert qui ne cesse de se construire par l'importation d'influences et d'éléments étrangers », affirme Monique Jeudy-Ballini, spécialiste des questions d'appropriation culturelle. Elle avance également qu’en cette aire contemporaine de mondialisation, la tendance prédominante est à la valorisation du métissage la valorisation de l’hybridité des styles. Créer du « soi » en empruntant de l’autre, tient d’un processus créatif qui est humain et propre à toutes les sociétés.
Alors, quand est-ce que la culture du métissage devient problématique? Je dirais que c’est probablement lorsqu’on franchit la fine ligne de l’appropriation culturelle. Plus simplement, on parle d’appropriation culturelle, lorsqu’une culture dominante emprunte ou récupère des éléments, des codes, des symboles d'une culture minoritaire, sans consulter ou se préoccuper de l’intérêt des personnes concernées.
L’objectif n’est pas de rétablir les barrières raciales ou de contribuer d’une quelconque façon à une « re-ségregation » des idées et des genres, mais plutôt selon moi, de promouvoir l’inévitable échange d’influences culturelles dans le RESPECT : sans dénuder de son sens et de son identité la culture mère.
La frontière entre l’appropriation et l’appréciation ?
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Primo, il va de soi que l’influence ne doit pas se faire au détriment de ceux dont on "emprunte" les marqueurs culturels.
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Secundo, « emprunter sans redistribuer » : c’est piller. L’absence de dynamique de retour pervertit l’échange puisqu’en fait, il n’y a pas d’échange, il n’y a qu’une prise de possession unilatérale (tu te rappelles des colons? #JohnSmith). Et ÇA c’est dérangeant parce que cette attitude perpétue le rapport inégalitaire par la culture dominante.
Ton petit guide : comment apprécier sans s’approprier ?
Knowledge is power
SACHE. Aussi simple que ça. T’as envie de rocker des splendides wax prints sur tes belles courbes d’occidentales ce printemps ? Renseigne-toi! Il s’agit juste de se poser les bonnes questions. Pour ce faire, j’ai fait appel à l’effervescente Maya – 23 ans, ghanéenne, fondatrice de Batik Boutik, un commerce en ligne éthique spécialisé dans la fabrication de vêtements modernes aux glorieux imprimés africains : Ankara –également appelé Chitenge, Kitenge, Dutch wax ou tout simplement wax print. Ce dernier tissu est sans doute africain le plus populaire. Composé de coton à 100%, il se caractérise par une infinie diversité de motifs et de couleurs. Plus qu’un moyen d’expression, les wax prints constituent un véritable langage pour les femmes africaines.
Just because… Voici un imprimé Ankara créé en l’honneur de Michelle Obama ou plutôt du SAC qu’elle portait lors de sa première visite sur le continent… Il s’appelle : Le sac de Michelle Obama. Du génie!
1. La SOURCE.
À qui profite ton achat ?
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Au niveau financier ? Est-ce que les artisans du pays de la culture mère obtiennent une contrepartie monétaire ?
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En termes de crédit et de reconnaissance à qui lance-t-on des fleurs ? Il s’agit bien entendu d’un critère très subjectif mais qui peut tout de même se décliner en propositions précises. Par exemple, rend-t-on hommage à la culture mère ou usurpe-t-on plutôt ses marqueurs culturels ? Y-a-t-il un nombre significatif d’artistes issus de la culture minoritaire qui participe à l’exécution de la représentation ?
2. La SIGNIFICATION.
Est-ce que l’item en question détient une valeur symbolique ou religieuse ? Le cas échéant, c’est une pas pire idée de t’informer afin de connaître la teneur et la portée du symbolisme. C’est sûr que si achètes ta chemise aux motifs africains chez Zara, la caissière risque d’avoir de la difficulté à te répondre. Je dis ça de même là. On jase. Mais, si tu l’achètes dans une boutique responsable comme Batik Boutik, on pourra certainement te guider dans ta démarche !
À titre d’exemple, Maya m’a expliqué qu’elle privilégie l’Ankara au sein de son entreprise parce qu’il est effectivement porté de façon quotidienne par les africains en opposition au Kente. Mélange de soie et de coton, le Kente possède un caractère plus traditionnel et cérémonial. Créer des vêtement casual destinés à un public de masse à partir de ce tissu serait, pour la jeune designer, minimiser la signification historique et la quasi sacralité de l’étoffe.
Après tout, bien que popularisés en Afrique, les wax prints viennent originellement de l’Indonésie. Comme quoi, ça n’existe pas une culture pure ! Une culture existant en vase clos c’est une culture vouée à la mort. Créature immortelle qui ne cesse de muer pour mieux s’épandre, la culture se construit par l’importation, l’emprunt et l’imitation d’élément exogène plaide Monique Jeudi-Ballini.
Verdict. Imprimés africains : appropriation culturelle ? La réponse est nuancée. Si tu choisis d’embrasser cette avenue florissante, fais-le en toute conscience, fais-le avec respect, le tien et celui de l’autre, fais-le avec ta tête, mais surtout fais-le avec ton cœur.